Mâcher mon vieux bas
Aucune idée comment cette image si peu gracieuse et appétissante (!) m’est apparue dans la tête. Mais depuis, c’est ma façon de décrire la rancune. Pas ragoûtant, je sais, mais Dieu sait que la rancune ne l’est pas non plus… Croyez-moi, je m’y connais ! S’il existait une qualification, j’aurais mes cartes sans problème, avec le nombre d’heures que j’ai perdues dans ma vie à m’y adonner.
Ressasser continuellement la même histoire, la même phrase qu’on a reçue comme un coup de poignard, le même commentaire désobligeant auquel on n’a pas su répondre sur le coup… Reprendre la scène 20 fois, 100 fois dans notre tête, seule, en cuisinant, en prenant notre douche ou au volant de notre voiture. Revivre la rage aussi, la colère de ne pas avoir été assez vite, pas assez agile avec les mots, de ne pas avoir su se défendre ! Et en vouloir à l’Autre. Cette personne (si méchante !) qui n’a rien compris de qui l’on est. Qui n’a pas vu nos intentions, qui a mal interprété nos propos. L’Autre : l’Ennemi. Nous : pauvre Victime.
Ça fait mal la rancune. C’est un poison qui remplit sournoisement notre corps et notre cœur d’amertume, de méchanceté. Qui éteint la lumière. Y’a rien de bon ou de sain qui peut sortir de là. On ne fait que se vautrer dans la même histoire, le même caca, en se plaignant sur notre sort de pauvre petite personne incomprise…
Puis un jour, le miroir se retourne sur nous. Du coup, on voit notre reflet, notre part de l’histoire, de responsabilités pour la toute première fois. Et c’est laid. Une de mes mentors, Janick, m’a déjà dit cette phrase remplie de vérité et si évidente à la fois : « Dans toutes relations, c’est 50-50. » L’Autre nous a peut-être fait mal, mais nous aussi on y était et nous aussi on y a contribué ! On a notre part, autant que l’autre a la sienne ! Ça s’est joué à 2 cette histoire-là. Et là on se voit enfin, pour la première fois dans cette lumière crue, dure, impitoyable. Et on comprend. Pas joli du tout comme portrait. On a déjà vu mieux mettons. Mais y’était grand temps.
J’ai eu ce premier déclic sur le tard.
Et depuis, même si j’ai certains jours de rechute, j’essaie de me tenir loin des vieux bas. Parce que l’amour et le pardon goûtent pas mal meilleur qu’un vieux bas mâchouillé.
Julie