Le faux, pu capable! par Jean-Philippe Lavallée

par Jean-Philippe Lavallée



Depuis quelques mois, il y a une quête d’authenticité dans l’air. Ce désir de clamer nos différences et de crier, pour tout simplement être. Ce souhait de devenir libre. En 2016, sur Facebook, dans les galas, dans les magazines et à la télé, plusieurs artistes se sont indignés devant le faux. Ça m’a amené à me demander pourquoi, moi, je ne suis pas complètement authentique, tout le temps.

Quand j’étais petit, je n’avais aucune gêne à jouer avec mes amiEs à la garderie, à suivre des cours de patinage artistique ou de théâtre et ce, même si je paraissais marginal à côté des gars de mon âge. Je jouais à la Barbie avec ma sœur et je mettais en scène des spectacles avec ma cousine. Plus jeune, je ne jouais pas au Nintendo 64 dans mon sous-sol, non, je me prenais pour Émilie Bordeleau. J’avais créé une classe et une chambre côte à côte pour reproduire son école de rang! Heureusement, j’ai des parents qui m’ont donné cette liberté.

Avec le temps, avec les jugements, avec cette impression de ne pas suivre le bon chemin, je me suis réengagé sur « la bonne voix ». Après six années de primaire à essayer de me prouver que c’était correct d’être moi, j’ai cru que c’était mieux d’abandonner. Je trouvais ça trop forçant. J’étais tanné d’être en guerre contre moi.

J’ai tout arrêté et je me suis inscrit à l’école privée pour le secondaire. J’ADORAIS l’idée d’être habillé comme tout le monde. Heille, même le gars le plus populaire de l’école portait un kit identique au mien. Je me cherchais une cape d’invisibilité et je croyais l’avoir trouvée. J’étais assoiffé d’universalité et j’ai fini par me dresser pour être comme tout le monde. Mon inconscient m’a conduit vers l’homogénéité. Il voulait sans doute me protéger.

J’ai donc perdu ces cinq années à essayer de plaire aux autres. Pire que ça, je me mettais des barrières en pensant que c’est ce que les autres voulaient de moi. Sauf que je me trompais. Les autres, ils n’en avaient rien à foutre de moi. Assumé ou pas, je dérangeais. Même peinturé en blanc comme les murs des couloirs, j’attirais l’attention. Ma gang d’amiEs m’a sauvé. Elle m’a même incité à m’inscrire à l’activité parascolaire de comédie musicale en secondaire 5 et plus tard, à faire mon coming out.

Évidemment, cette façon de penser laisse des traces. Quand je rencontre une nouvelle personne, je pars du principe qu’elle ne m’aime pas. Mon mental m’a conditionné à prévenir les insultes. J’ai perdu du temps à développer des techniques pour me faire aimer et pour convaincre que j’en valais la peine. La société a émis des balises pour que tous ses citoyens, aussi différents les uns des autres, entrent dans un moule. Mais c’est impossible.

Aujourd’hui, je ne veux plus et je ne peux plus endurer ça. Je rêve d’un monde qui offrira du rose et du bleu à tous les nouveau-nés, peu importe leur sexe. Parce qu’au bout du compte, ça ne déterminera pas leur orientation sexuelle ou leurs intérêts. Ça leur fera juste un plus grand terrain de jeu pour les guider vers l’essentiel.

À 25 ans, je suis à boutte du fake: je veux être quétaine si ça me tente, je veux porter le linge qui me plaît et je veux dire ce que je pense. Je veux être vrai. Et s’il faut que je retourne au front, je le ferai.

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