Comprendre, par Jessika Brazeau

Texte Jessika Brazeau  Photos Chanel Sabourin



Comprendre. Je crois que dans tout le Larousse, c’est le mot qui sied le mieux à ma personnalité. J’ai toujours eu ce besoin de comprendre. J’étais probablement l’enfant qui tape sur les nerfs avec tous ses pourquoi incessants. Dès l’adolescence, j’ai eu ce besoin viscéral de me comprendre. Pourquoi j’avais telle réaction, d’où venait tel besoin… Très tôt, j’ai pris ‘’plaisir’’ à tenter de me comprendre via un processus thérapeutique. Oh combien de fois on m’a dit que j’étais mature pour mon âge! À cette époque, je me trouvais juste dont bien compliquée! Au fil du temps, j’ai compris (!) que ça pouvait être une belle qualité que de vouloir tout comprendre (qui allait me mener vers le journalisme d’ailleurs), mais que dans le privé, ça pouvait aussi rapidement devenir oppressant.

Avec les années, j’ai appris à vivre avec cette facette de ma personne. Je dirais même que ça m’a souvent bien servi… Jusqu’à ce que je devienne maman. Naïvement, j’avais cru que tout me viendrait naturellement, que l’amour serait suffisant. Ouf! Quelle claque en plein visage j’ai pris! Comment allais-je guider ce petit être à travers ses émotions conflictuelles, alors que j’avais encore de la difficulté à gérer les miennes? Comment fait-on pour aider notre enfant à se bâtir une confiance en soi béton, qui la protégera de tous jugements? Et quelle mère voulais-je être pour elle? Combien de fois aie-je analysé mes réactions pour départager ce qui m’appartenait de ce que je reproduisais dans ma maternité? Beaucoup trop de questions et si peu de réponse. Le tout s’est d’autant plus intensifié lorsque 2 petits êtres se sont ajoutés, en même temps, même pas deux ans plus tard. Avais-je ce que ça prend pour prendre soin de deux bébés en même temps?

Mars 2020

Le Québec est confiné. Alors que mon fil instagram regorge de parents résilients, heureux de prendre enfin du temps avec leurs enfants pour faire des bricolages et du pain maison, je déprime. Pire, je suis abattue. Je me sens en confinement depuis 2 ans. Les jumeaux venaient tout juste de commencer la garderie. Enfin, j’allais avoir le temps de reprendre mon souffle, me retrouver moi-même, penser à la direction que je voulais prendre professionnellement, après une année et demie intense où j’avais rencontré mes limites, autant physiques que psychologiques. Eh non… Pas maintenant fille! Un mélange de colère et d’amertume noyé dans un torrent de larmes et de culpabilité m’envahit. Pourquoi est-ce si difficile de me mettre sur pause le temps de leur courte enfance, alors qu’ils sont les êtres que j’aime le plus au monde? Ma mère l’a bien fait elle. Pourquoi ne suis-je pas comme elle? Je croyais que je le serais. Pourquoi ne suis-je pas dans la plénitude? Je voulais une famille nombreuse après tout. Pourquoi, pourquoi, pourquoi…

Parce que je ne suis pas ma mère. Parce que ça n’a rien à voir avec l’amour et l’attention que je leur porte. Parce que j’ai besoin de toutes les facettes qui me composent pour être heureuse. Parce que je suis en train de créer mon propre modèle de mère, bien que ce soit inconfortable et confrontant. La vie est bien faite. Cette pandémie malheureuse m’aura permis de créer un projet avec une personne extraordinaire qui aura été posé sur mon chemin, qui allait non seulement répondre à mes questions, mais aussi m’aider à comprendre les autres mamans qui s’en posent tout autant que moi. Mieux encore, ce projet allait me permettre de faire fleurir d’autres parties de moi-même, en dehors de mon rôle de maman… bien qu’étroitement liée.

En terminant, j’aimerais dire qu’il y a aussi plein de belles choses qui ressortent à force de se questionner.

À ma fille, j’ai le goût de te dire que je ferai toujours tout pour ne pas rester prise dans ma vérité et que je garderai mes oreilles et mon coeur ouverts pour entendre ton vécu, tes blessures d’enfance, tes écueils, même si ce sera confrontant. Parce que bien que j’aie les meilleures intentions du monde, je suis très consciente que je ne suis pas patiente, que mon intensité propulse ma voix, que je suis trop mère poule, que je te vois souvent plus grande que tu ne l’es vraiment… Je veux que ce pont entre toi et moi existe toujours, même quand l’asphalte fera place à la gravelle.

Mes garçons, depuis votre naissance, je remarque que tout le monde vous compare constamment, que ce soit pour trouver vos similitudes physiques ou valider votre développement. J’ai le goût de vous dire que ça parle plus d’eux et non pas de vous. Vous rencontrerez beaucoup de gens sur votre route. Plusieurs personnes auront ce besoin de se comparer pour se valider, d’autres pour s’assurer de faire mieux. Certaines personnes vont se comparer par peur de l’autre ou par manque de connaissance. Sachez que vous êtes à la fois uniques et faisant partie d’un grand tout : l’être humain. J’espère que vous regarderez les autres avec ces mêmes yeux. Vous êtes les mieux placés pour le savoir.

Maman.

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Jessika Brazeau est journaliste et animatrice. Elle est aussi la co-créatrice du balado « Ça va maman? »

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