Urgence santé mentale : savoir reconnaître les signes et pratiquer les premiers soins

On connait tous des membres de notre entourage ayant reçu une formation de premiers soins. Ils ont appris à soigner une plaie, des techniques de secours en cas de troubles respiratoires, d’étouffement ou d’empoisonnement, etc. Mais combien en connaissez-vous qui ont suivi la formation en premiers soins en santé mentale?

Photo Nazym jumadilova



Une personne sur trois sera touchée par des problèmes psychologiques au cours de sa vie. Il est donc plus que jamais primordial d’avoir des gens sur le terrain pour leur porter assistance. La médecin psychiatre Dre Manon Charbonneau, aussi instructrice de Premiers soins en santé mentale, lève le voile sur cette formation méconnue, mais combien importante à notre époque. Elle nous offre aussi quelques conseils de base pour mieux nous aider… à aider.

Reconnaître les signes d’une personne en détresse psychologique 

La formation n’est pas seulement destinée à secourir une personne en crise majeure, mais aussi à aider un proche ou un collègue qui semble sur une pente descendante.

Quand on observe des changements chez une personne; c’est LA chose la plus importante à prendre en considération. Lorsqu’on détecte des différences dans son mode de pensée, son état émotionnel et dans son comportement, qui vont faire en sorte que ça va perturber ses habitudes, sa capacité à travailler et ses relations personnelles et familiales.

Les gens sont mal à l’aise face à ces changements et vont avoir tendance à s’éloigner, alors que c’est tout le contraire qu’il faudrait faire. On doit plutôt ouvrir la porte au dialogue. « J’ai noté ceci dans ton comportement. Est-ce que ça va bien? Est-ce que je peux t’aider? » Les questions ouvertes sont primordiales. C’est étonnant de voir que celui ou celle qui souffre n’attend parfois qu’une seule main lui soit tendue. Les gens en grande détresse ne vont pas consulter parce qu’ils sont trop honteux. Il ne faut donc pas hésiter à agir. À partir du moment où on se pose des questions sur l’état d’une personne, c’est signe que c’est valable d’aller vérifier.

Si on sent qu’elle a des idées noires, on peut aussi lui poser directement la question. « As-tu perdu espoir au point de t’enlever la vie? »  C’est complètement faux de penser que le simple fait d’aborder le sujet du suicide fera en sorte qu’une personne malheureuse passera à l’acte. C’est le plus grand préjugé que les gens ont!

Vous croyez être en présence d’une personne qui représente un danger immédiat? Ne la laissez jamais JAMAIS seule. Sauf, si elle vous menace et que votre propre sécurité est en jeu. Dans le cas où la situation vous dépasse, il vaut toujours mieux appeler le 8-1-1. Quelqu’un pourra vous guider.

Et si on n’a pas les outils…

Il faut d’abord et avant tout que la personne que l’on souhaite aider soit volontaire, qu’elle ait envie d’être secourue. Il existe beaucoup d’excellents programmes en ligne pour nous guider dans nos démarches quand on veut accompagner quelqu’un qui souffre. Le site Revivre en fait partie. Il offre beaucoup d’outils – principalement en ce qui concerne les troubles anxieux et dépressifs – et c’est incroyable le niveau d’informations qu’on y trouve. Il y a même des programmes d’auto-gestion et d’entraide. Le Centre de prévention du suicide et les Centres de crise sont aussi d’une aide inégalée. Il y de nombreuses ressources disponibles autour de nous. Suffit de naviguer sur le web ou de s’informer auprès de notre communauté.

En quoi consiste la formation en premiers soins en santé mentale?

On peut se retrouver en présence d’une personne (qu’on connait ou qu’on ne connaît pas) vivant une situation difficile psychologiquement ou une forme aigüe de troubles mentaux n’importe où. Si on veut l’aider, quoi faire? Tout comme un secouriste prêterait main-forte à une personne en attente des ambulanciers, on veut que des gens soient en mesure de faire la même chose avec une personne en crise jusqu’à ce qu’elle puisse avoir de l’aide professionnelle.

Curieux de savoir ce qui se cache derrière cette formation? Qu’est-ce qu’on y apprend au juste?

Cinq grands gestes de base (AÉRIE) ont été déterminés et c’est à partir de cette suite d’actions – qui s’adapte à différentes conditions de crise – que le cours est élaboré.

A – ON ANALYSE le risque de suicide ou de blessure. C’est la première chose à faire, peu importe qui nous sommes en train d’évaluer. C’est un peu l’équivalent de maintenir quelqu’un en vie en attente de l’ambulance.

É – ÉCOUTER sans porter de jugement. C’est une étape extrêmement importante. On a souvent tendance à beaucoup parler au lieu de tendre l’oreille. Alors que pendant qu’on écoute la détresse de la personne et qu’elle s’ouvre à nous, on est capable d’analyser si elle est en danger ou non. Notre but est de pouvoir lui fournir de l’aide, d’empêcher que la situation s’aggrave et on fait tout ça pour favoriser son rétablissement. Elle a besoin d’être encouragée.

R – Rassurer et donner de l’information. Le stigma et la discrimination sont de grands fléaux. Heureusement, les gens commencent à parler un peu plus de troubles mentaux. Pour certains, ce n’est pas facile d’obtenir de l’aide et d’avoir accès à des soins. Les secouristes sont aussi là pour aiguiller les gens vers les bons services.

I – INCITER la personne à obtenir de l’aide professionnelle. Pendant la formation, on survole quatre pathologies différentes: les troubles liés à l’utilisation de substances, les troubles anxieux, les troubles affectifs et les troubles psychotiques de tous genres. Le but de cet enseignement n’est pas de transformer les secouristes en thérapeutes qui vont être en mesure de poser des diagnostiques. C’est plutôt pour reconnaître les différents symptômes et signes cliniques qui, dans certaines circonstances, vont les orienter à mieux évaluer la situation. Le deuxième objectif est qu’ils aient suffisamment d’informations pour pouvoir parler des options et solutions qui s’offrent aux personnes en détresse.

E – ENCOURAGER la recherche de soutien supplémentaire. Il s’agit ici de se construire une boîte à outils, de références, de meilleures connaissances de l’aide extérieure qu’on peut recevoir et des services communautaires, autres que professionnels. On privilégie une approche holistique, plutôt qu’uniquement médicale.

Tout le monde a accès à cette formation 

Ce programme – offert partout au Canada – a déjà formé des centaines de milliers de personnes. Pour s’y inscrire, on visite le site de la Commission de la santé mentale. On peut suivre le cours en session privée ou de groupe et fait intéressant: il se donne aussi en entreprise. Quand on sait qu’il y a de plus en plus de détresse psychologique dans les milieux de travail, c’est un pensez-y bien pour les dirigeants qui ont à coeur le bien-être de leurs employés.


Saviez-vous? 

Un texto ou un courriel reçu d’une personne disant vouloir mettre fin à ses jours est une preuve suffisante pour qu’elle puisse recevoir des soins d’urgence. Dans certaines situations extrêmes, ces messages peuvent même contribuer à la retracer.

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Dre Manon Charbonneau est médecin psychiatre et exerce sa profession dans un cabinet privé de la Côte-Nord. Elle est instructrice en premiers soins en santé mentale et professeure adjointe à l’Université de Montréal. Elle siège également au Conseil d’administration de la commission de la santé mentale.

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