Ce n’est pas de sa faute, par Jean-Philippe Lavallée

Par Jean-Philippe Lavallée



Encore faut-il le réaliser et l’accepter. Aujourd’hui, ça fait neuf mois que je suis tombé en amour pour la première fois, une vraie première fois. À 24 ans, maudit que j’avais hâte que ça m’arrive ! « Ça fait tellement de bien, l’amour. » « Je ne pourrais plus vivre sans lui. » « On se complète tellement. » « C’est si simple avec lui. » Bon, on comprend le principe; plein de beaux clichés qui nourrissaient mon envie, mes attentes et mon rêve. Dans ma tête de gars naïf et d’éternel positif, j’avais hâte de vivre MON conte de fées.

On ne m’avait pas dit que ce tsunami d’étincelles allait éveiller les blessures du passé. On ne m’avait pas prévenu qu’amour rimait aussi avec douleur, ou je ne l’avais pas entendu. Jusqu’à maintenant, j’avais bâti mon armure. J’avais réussi à être solide comme un roc. Dans ma tête, j’étais prêt à affronter ce sentiment indescriptible. Il me semblait que la confiance en moi, je l’avais trouvée… Peut-être pas, finalement.

Au cours des neuf derniers mois, j’ai dû commencer à travailler sur moi. Pas sur mon couple, il est encore trop jeune ! Elle se situe là, la clef: sur MOI. Ce n’est pas de la faute de mon nouveau compagnon de vie si ça me fait mal dans le ventre, si je ne suis pas capable dormir la nuit parce que je réfléchis trop, si je me crée des attentes en m’imaginant qu’il pense comme moi. Ce n’est pas de sa faute si je suis déstabilisé, si je ne suis pas capable d’assumer mes limites, si j’ai du mal à me respecter. Ce n’est pas de sa faute si pendant plus de 10 ans de ma vie, j’avais peur de montrer qui j’étais réellement, j’avais peur de ce que les autres allaient dire. Si les mots « fif », « tapette » et « moumoune » faisaient partie de mon quotidien. Dans les dernières années, j’avais trouvé la recette pour me protéger de tout ça. Sauf que là, je me suis retrouvé nu – et c’est le cas de le dire ! – pour la première fois, depuis longtemps. Les remparts se sont effondrés.

Ce texte n’aura pas de conclusion puisque je suis en train de me reconstruire, une pierre à la fois. Présentement, je dois faire face à qui je suis; à cet être blessé et fragile. Je dois me donner la chance d’avoir mal et d’apprendre. Malheureusement, ça ne fait pas partie des cahiers d’école. L’enseignant maintenant, c’est moi. J’ai l’air de souffrir, mais je trouve ça beau. Cette prise de conscience est extrêmement libératrice.

Comme le dit Kim Thúy dans son (excellent) livre Vi : « Heureusement, la vie aime surprendre et changer constamment l’ordre des choses afin de donner à tous une occasion de suivre ses mouvements, d’être à l’intérieur d’elle. » Accepter le miroir qui s’impose dans notre vie sans prévenir, c’est aussi ça l’amour.

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